SONOTHERAPIE
Le pouvoir de la musique, tableau de Louis Gallait (1810–1887).
Le musicothérapeute est un professionnel qui exerce une pratique soignante fondée sur l'utilisation thérapeutique de la musique et du son. Il souhaite ainsi favoriser l'expression, le mieux-être des personnes avec lesquelles il travaille.
Loin de certaines idées reçues qui lui attribueraient un caractère “artistique”, la musicothérapie s'active en travaillant avec la fonctionnalité sonore et psycho-sonore du sujet.
Origines
Les premières attestations professionnelles dans ce domaine, à l'état expérimental, datent du XXème siècle, notamment au Canada et aux États-Unis.
Antiquité
Chez les Grecs
La musique était étudiée chez les Grecs comme une science associée aux mathématiques, à la physique, à la médecine.
Il existait déjà des « musicothérapeutes » qui influençaient « l'humeur et les humeurs en utilisant divers instruments, rythmes et sons. [...] Selon le mal, ils choisissaient l'aulos au jeu extatique et émouvant ou celui doux et harmonieux de la lyre1 ».
Parmi les auteurs grecs antiques, il y a aussi, par exemple, Pythagore :
Pythagore et ses disciples considéraient que toute chose se compose de nombres et de figures mathématiques y compris la musique. Pour eux, les mouvements des planètes généraient une musique des sphères, ils ont alors contribué à l'élaboration d'une "musicothérapie" pythagoricienne afin de mettre en symbiose l'humanité et les sphères célestes.
Les Grecs attribuaient toutes sortes de vertus à la musique, un pouvoir merveilleux sur les âmes.
Chez les Hébreux
Les Hébreux apportent une conception religieuse monothéiste, s'inscrivant contre le polythéisme et la magie.
La musicothérapie apparaît parmi les traitements ainsi David joue de la harpe à Saül agité :
David fut envoyé à Saül pour lui jouer de la cithare quand l'esprit de ce dernier le troublait et il gagna ainsi la bienveillance du roi.
En Chine
Les Chinois avaient déjà répertorié une centaine de sortes de musicothérapies cinq siècles av. J.-C. D’après François Picard, « la substance de la musique réside pour les Chinois dans le son … elle équivaut à une résonance, réponse spontanée, mise en mouvement de l’air, des souffles … elle est aussi le lien établissant l’harmonie de l’homme entre le ciel et la terre ».
Les sages déclaraient que chaque organe interne de notre corps a son propre rythme et par conséquent vibrerait à un son qui lui est propre.
Sous la dynastie Tang (618-907) la théorie des cinq éléments fait son apparition.
Les Cinq éléments : Bois | Feu | Terre | Métal | Eau
Note de musique chinoise : (système pentatonique) | Júe 角 (mi) | Zhǐ 徵 (sol) | Gōng 宫 (do) | Shāng 商 (ré) | Yù 羽 (la)
Ces cinq éléments, le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau, étaient associés aux cinq sons précédents. Puis ces sons furent aussi associés aux saisons, aux organes Yin et organes Yang. Par exemple le Do correspond à l’organe cœur et entraille intestin grêle ainsi qu’à l’élément feu et à la saison été. Cette correspondance n’est pas le fruit du hasard, mais choisie en fonction des sons de la nature. Ainsi, les coups de tonnerre en automne correspondent à la note Shang et à la saison automne.
Ce n’est pas le nom de la note qui détermine la correspondance mais son timbre, ou plutôt la fréquence qui fait réagir tel ou tel organe. Les sons graves résonnent dans la région de l’abdomen ainsi que dans les organes qui lui correspondent tandis que les sons aigus résonnent au niveau de la tête.
L'influence islamique
Plusieurs savants et médecins, comme Zekeriya Er-Razi(854-932), Farabi (870-950) et Avicenne (980-1037) ont appliqué la musique au traitement des maladies.
Farabi classe les différentes makams de la musique turque selon les effets qu'ils ont sur l'âme de la personne 2 :
1. Rast : donne le confort.
2. Saba : donne le courage.
3. Hicaz : suscite l'humilité.
4. Neva : donne le contentement.
5. Uşşak : suscite le rire.
6. Hüseyni : donne la quiétude.
7. Buselik : donne la force.
8. Isfahan : donne la confiance et la capacité d'agir.
9. Rehavi : provoque une sensation d'éternité.
10. Kuçek : donne la tristesse.
11. Büzürk : donne la peur.
12. Zirgüle : donne le sommeil.
Chaque son, mélodie composée d'une disposition harmonieuse a un effet profond sur l'âme de chaque personne.
L'effet du son s'enrichit par l'art de l'homme.
Pour conclure, durant la civilisation islamique les savants et les médecins ont utilisé la musicothérapie pour le traitement des troubles psychologiques, jusqu'au xviiie siècle par les médecins ottomans et seldjoukides.
Moyen Âge et Renaissance
Le musicien et théoricien Johannes Tinctoris écrit Efectum Musices, ouvrage dans lequel il décrit les effets de la musique sur les personnes.
Le peintre Hugo van der Goes est soigné par la musique 3
En Europe
Par la suite, des recherches approfondies ont été réalisées dans différents instituts, en France comme à l'étranger.
Tels l'institut Karajan à Salzbourg qui étudie le pouvoir physiologique de la musique, ou encore l’ARATP (Association de Recherche et d’Application des Techniques Psychomusicales) de Paris, l'institut Émile Jaques-Dalcroze à Genève, créé en 1915.
En France
En France, c'est un ingénieur du son, Jacques Jost qui fait office de pionnier dès 1954 et pose l'hypothèse qu'on peut soigner avec la musique. Il s'appuie sur une base clinique avec l'aide du Laboratoire d'Encéphalographie de la Clinique des Maladies Mentales et de l'Encéphale, à la Faculté de Médecine de Paris. Il effectue des recherches sur les émotions et la musique. Il rencontre un directeur de Radio France et valide ses recherches à l'aide d'un programme d'écoutes musicales sur la radio.
Pendant dix-huit ans, il a poursuivi l'étude et l'application des techniques psychomusicales en psychiatrie, en collaboration avec les docteurs Guilhot et Garnier.
Il met en place un test de réceptivité musicale qui peut être utilisé avec des patients en séance de musicothérapie. Ce test est disponible au CIM.
Le premier congrès mondial de musicothérapie a eu lieu en France en 1974 à l'Hôpital de la Salpêtrière 4.
En réalité de nombreux pionniers de la musicothérapie préexistent en France, avec le compositeur Hervé, Louis-Auguste-Florimond Ronger (1825-1892), ou encore l’adepte de la mélothérapie et neuropédagogue Georges Quertant (1894-1964).
En 2020 la violoncelliste Claire Oppert publie un récit Le Pansement Schubert où elle montre les effets positifs de la musicothérapie avec des enfants autistes, des patients âgés en Ephad et des malades en fin de vie 5,6.
Notes et références
1. Patrick l'Echevin, Musique et Médecine, Stock Musique, 1981.
2. Gill 2017, p. 160-161.
3. Ernest Dupré, Pathologie de l'imagination et de l'émotivité, Payot, 1925, p. 301
4. La musique : un support thérapeutique en psychiatrie
5. « La violoncelliste Claire Oppert au diapason des patients », sur Le Monde, 15 novembre 2020
6. « Quand le violoncelle atténue la douleur liée aux soins » sur L'Express, 13 juillet 2016
Bibliographie
Documents utilisés comme source pour la rédaction de cet article :
· David Christoffel, La musique vous veut du bien, Presses Universitaires de France, 2018
· Bernard Auriol, La Clef des sons, préface du Pr. Jean-Claude Risset, Eres, 1994
· B. Auriol,Le Son au subjectif présent, préface du Pr. Jean-Marie Pradier, éditions du Non-verbal-AMBX, Parempuyre, 1996
· L. Bence L. et M. Méreaux, La Musique pour guérir, éd.Van de Velde, 1988
· R. Benenzon, Théorie de la musicothérapie à partir du concept de l'Iso, éditions du Non-verbal-AMBX, 1992
· F. Cassiers, Musicothérapie et autisme, ed du Non-verbal, Bordeaux, 2002)
· G. Ducourneau, Éléments de musicothérapie, éd. Dunod, 2002, 169 p.
· R. Forestier, Tout savoir sur la musicothérapie, Paris, éd. Favre, 2011
· E. Lecourt, L'Expérience musicale, résonance psychanalytique, Paris, éd. L'Harmattan, 1994
· J. Verdeau-Pailles, Le Bilan psychomusical, éd. Fuzeau, 1988
· J. Verdeau-Pailles et M. KIieffer, Expression corporelle, musique et thérapie, éd. Fuzeau, 1994
· Dominique Ferraro, Les Sons thérapeutiques, le Courrier du livre, 2002.
· Claire Oppert, Le Pansement Schubert, Denoël, 2020 (ISBN 9782207159811)
Droit d'auteur : les textes sont disponibles sous licence Creative Commons attribution, partage dans les mêmes conditions ; d’autres conditions peuvent s’appliquer. Wikipedia® est une marque déposée de la Wikimedia Foundation, Inc., organisation de bienfaisance régie par le paragraphe 501(c)(3) du code fiscal des Etats Unis